De quoi le cas Danièle Obono est-il le nom?
J’avais un autre article sur le feu mais actualité oblige, le cas Obono est suffisamment révoltant pour que je m’y consacre aujourd’hui. Rappel chronologique des faits :
En 2009 sort l’album Devoir d’insolence du groupe Z.E.P. (Zone d’Expression Populaire). Cet album contient le titre Nique la France. Nous sommes dans un contexte où les émeutes de 2007 sont encore vives dans les mémoires, où le groupe Sniper s’est vu attaqué jusque par les instances du pouvoir étatique sous la pression des groupes d’extrême droite et a mené un bras de fer contre Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur. En 2007, après l’élection de ce dernier, la création du ministère de l’identité nationale est venu couronner l’ensemble de son œuvre contre les musulmans ou supposés tels, exaltant les tensions déjà existantes. L’extrême-droite est séduite par Sarkozy et a boudé Le Pen dans les urnes, ce dernier ayant fait la démonstration 5 ans plus tôt qu’il ne pouvait être élu. Sniper étant en perte de vitesse, ils se cherchent d’autres cibles à faire taire.
En 2012, l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (AGRIF) a déposé une plainte contre le chanteur Saïd Saïddou de Z.E.P. ainsi que Saïd Bouamama, sociologue co-auteur du livre-CD, pour «injure publique» et «provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence». Les deux hommes sont mis en examen. des comités locaux se mobilisent alors à travers toute la France, entre autres par le biais d’une pétition lancée par les Inrocks. La relaxe est prononcée en mars 2015.
En 2017, Danièle Obono est élue Députée sous l’étiquette de la France Insoumise. Invitée par les Grandes Gueules sur RMC, elle se voit confrontée à la signature qu’elle a posé cinq ans plus tôt sur la pétition des Inrocks : Danièle a défendu des gens qui ont dit “nique la France”. Maintenant qu’elle est députée, elle assume encore? Oui, “pour défendre la liberté d’expression” dit-elle. Seulement voilà, Danièle Obono se voit alors signifier l’injonction de dire “Vive la France”.
Pourquoi? Dire “Vive la France”, surtout après s’être vue accusée de soutenir le groupe Z.E.P., c’est renier l’engagement du groupe, pire que se désolidariser, dire “je suis contre eux, je défends simplement leur droit à l’insolence”. Or, la mise en cause du colonialisme, du racisme et des discriminations présents dans cette chanson, surtout dans le contexte de la sarkozie décomplexée, Danièle Obono n’a pas envie de la renier et on la comprend. Mais il y a beaucoup plus grave. Comme le souligne Libération:
d’autres responsables politiques ont signé la même pétition, en 2012. Noël Mamère, Clémentine Autain, Eric Coquerel, Eva Joly, Olivier Besancenot. On n’a pas souvenir d’avoir entendu un journaliste demander à Noël Mamère ou Clémentine Autain de déclamer son amour sans réserve de la Nation sur un plateau pour justifier (ou expier) sa signature.
Pourquoi les autres signataires n’ont-ils pas été mis en cause depuis 2012? Parce qu’aucun d’entre eux n’est noir. Et pour la même raison, on demande à Danièle Obono de dire “Vive la France” parce qu’étant noire, elle est plus suspecte que les autres d’être “contre” la France. On en est à un point où la couleur de peau définit bien des clans qui s’opposent ou s’affrontent. Que cette scène surréaliste se produise chez les GG, on pourrait se dire que c’est le cadre qui veut ça. L’émission est connue et appréciée pour son côté très polémique, à la parole très libérée et par conséquent, souvent border line (et j’ajouterais rarement rationnel). Si cela ne s’était produit que chez les GG, donc, sous l’influence des réseaux d’extrême-droite tout de même, l’affaire eut été close.
Mais voilà que le Figaro titre qu’une “bronca” (colère en espagnol) se serait soulevée contre Danièle Obono pour cette raison. voilà que d’autres relaient cette affaire car ce serait un problème. Voilà que Jean-Michel Apathie s’amuse maintenant lui aussi à intimer à Eric Coquerel l’ordre de dire “Vive la France”, dans un parfait rituel de soumission, comme si dans l’affaire “nique la France” née de l’extrême droite, entretenue par l’extrême-droite, la justice n’avait pas donné raison aux pétitionnaires. On est là dans l’arène médiatique classique avec ses règles du moment : dés qu’on a un os à ronger sur le dos de la FI, on ne se gêne pas, ça évite de parler de politique. Un exercice décrypté par Acrimed, qui se déconnecte donc de l’origine de l’affaire, pour simplement en faire usage.
L’origine de l’affaire, c’est bien le racisme ordinaire qui s’est exercé par l’extrême-droite, a contaminé le système médiatique pour mettre à l’index des femmes noires, cibles favorites des identitaires. Christianne Taubira sait de quoi il est question. Que ce relent de racisme soit diffusé largement par la presse ensuite n’est qu’un effet de système, le même qui a conduit France Inter à relayer les immondices du Monde, ayant le bon goût de salir un enterrement, et la délicatesse de cibler des gens dans un moment de deuil.